Éditeur : La Martinière, 2008
Préface du Dalaï-lama
Auteurs: Sofia Stril-Rever et Matthieu Ricard
Photos de: Manuel Bauer, Matthieu Ricard et Olivier
Adam
Kalachakra - Un mandala pour la paix, permet de suivre
les différentes phases de la construction d’un mandala
de sables lors de la cérémonie de la Roue du temps,
ou Kalachakra, grand rituel d’initiation que le Dalaï-Lama
a transmis une trentaine de fois de par le monde. C’est au VIe
siècle avant J.-C. que le Bouddha Shakyamuni enseigna ce parcours
de couleurs, conçu comme la projection sur une surface plane
de son chemin vers l’Eveil. Aujourd’hui, ce rite est perpétué
dans des monastères et des lieux publics, en Occident. Les
officiants déposent dans un diagramme tracé à
la craie sur une table, des sables colorés dont le symbolisme
représente l’inscription de la conscience humaine dans
la vie universelle.
En conclusion, le mandala est rituellement démantelé.
Les sables sacrés sont recueillis dans une urne, puis versés
dans une rivière, un lac ou l’océan. Le grand
cycle de l’eau emporte les bénédictions de Kalachakra,
pour le bien de tous les vivants, dans tous les mondes.
Le texte de Sofia Stril-Rever, les photographies
de Matthieu Ricard, de Manuel Bauer et d’Olivier Adam rendent
enfin accessible au grand public, cet événement fondateur
du bouddhisme.
Le livre, Kalachakra, un mandala pour la Paix, préfacé
par le Dalaï-Lama, permet de suivre les différentes phases
de la construction d’un mandala de sables lors de la cérémonie
de la Roue du temps, ou Kalachakra, grand rituel d’initiation
que le Dalaï-Lama a transmis une trentaine de fois de par le
monde.
Sofia Stril-Rever, co-auteur du livre
avec Matthieu Ricard, répond aux questions de Bouddhisme Actualités.
Bouddhisme Actualités :
On vous connaît comme traductrice des Ecritures bouddhistes
de Kalachakra. Pourquoi consacrez-vous un album de photos à
la tradition de Kalachakra ?
Sofia Stril-Rever: C’est
un projet mûri depuis plusieurs années qui se réalise.
Pour tenter de comprendre ce que disent les textes de Kalachakra,
je me suis immergée dans cette tradition dont j’ai
reçu l’initiation sept fois, tout en suivant régulièrement
le rituel du troisième mois de l’année tibétaine,
accompli au monastère de Namgyal. J’ai toujours pensé
que rendre en images la tradition de Kalachakra aiderait les lecteurs
à s’imprégner du symbolisme qui est l’essence
même du bouddhisme vajrayana auquel se rattache Kalachakra.
Dans ce livre, les images parlent autant que les textes et les photographes,
Matthieu Ricard, Manuel Bauer ou Olivier Adam, ont eux-mêmes
participé à plusieurs initiations de Kalachakra. Leurs
clichés, pris dans le vif de l’expérience, nous
rendent perceptible l’intériorité des rituels
tantriques.
BA: La première partie
du livre est intitulée LA ROUE DU TEMPS INCARNEE. Quel message
avez-vous voulu transmettre ?
SSR: Le mandala de Kalachakra,
avant d’être une figure au symbolisme extrêmement
précis, s’incarne dans l’immense mandala humain
des foules venues des hauts plateaux du Tibet et de l’Asie
centrale, d’Inde, d’Asie du Sud-Est, d’Occident
et même de Chine continentale. Près de 200 000 personnes
se rassemblent en Inde pour ces grandes cérémonies
où la ferveur est palpable et où l’enseignement
se vit dans le corps à corps de la foule en prière.
C’est une expérience très physique qui a des
répercussions profondes sur notre compréhension de
l’interdépendance et du lien avec tous les êtres,
dans la nouvelle réalité du monde contemporain dont
le Dalaï-lama dit qu’il n’est plus qu’ «
une seule humanité, une seule famille, un seul corps. »
BA: Vous dites dans l’Avant-Propos
que l’expérience de Kalachakra a changé votre
vie. De quelle manière?
SSR: Tout a changé. Je
n’ai plus été la même personne. Entrer
dans l’expérience de Kalachakra ne m’a pas laissée
indemne. Je dirais volontiers qu’on donne tout ou rien à
Kalachakra, mais j’exagère peut-être. En tout
cas, c’est ainsi que ça s’est passé pour
moi. J’ai tout donné et je donne tout à cette
pratique.
Je me souviens du premier mandala de la Roue du
temps qui m’a bouleversée. Tandis que je regardais
les moines déposer les poudres de couleurs, ce fut pour moi
la révélation d’une aurore spirituelle. Drapé
dans les plis pourpres et or des robes des moines, au fur et à
mesure que le mandala prenait forme, je voyais se lever le soleil
d’une lumière aimante, rayonnant de la vie primordiale
qui anime tous les êtres. Chaque mandala de Kalachakra m’impressionne
autant que le premier. Les années passent et je me sens encore
une toute petite élève de cette tradition. Bien sûr,
si je me retourne, je réalise le chemin parcouru, un pas
appelant le suivant. L’esprit de Kalachakra m’a transformée.
La Roue du temps m’a donné accès à un
plan de réalité où tout est relié. J’ai
compris peu à peu que le cœur du mandala représente
le réseau miraculeux du vivant, tissé d’intelligence
et de générosité. Et c’est extraordinaire
car dans la tradition de Kalachakra, on apprend que la même
énergie qui nous fait respirer, fait aussi se déplacer
les étoiles ou les corps célestes. Une fois qu’on
l’a appris, il reste à le vivre, c’est l’aventure
intérieure du Tantra qui dévoile peu à peu
la vitalité des forces d’Eveil.
BA: Vous insistez beaucoup
sur l’inscription du mandala de Kalachakra dans le monde contemporain.
Pourquoi ?
SSR: C’est l’un des
messages essentiels du livre qui doit beaucoup aux contributions
de Matthieu Ricard et du physicien Laurent Nottale, auteur du best-seller
La relativité dans tous ses états. Matthieu Ricard
développe dans un chapitre l’impact de la méditation
sur notre cerveau. Se visualiser sous forme d’une déité
comme Kalachakra à quatre visages et vingt-quatre bras de
couleurs différentes, en union avec sa parèdre, affecte
notre schéma corporel et le sentiment de l’identité
de soi. Comme le disait excellemment lama Yeshi, « Votre visage
actuel n’est pas vous », ou encore, « Il y a plusieurs
corps dans votre corps ». La méditation tantrique nous
entraîne dans la découverte de notre vérité-vacuité
et Matthieu Ricard explique très bien ce que les neurosciences
ont confirmé à propos de l’approche contemplative,
tout en marquant les limites. Car les états profonds de la
conscience échappent aux méthodes actuelles de détection,
si sophistiquées soient-elles, mais les effets de la méditation
sur l’activité cérébrale ou les métabolismes
sont de mieux en mieux identifiés. Et la tradition du Kalachakra
apporte une contribution singulière à la problématique
des neurosciences, en dévoilant des aspects méconnus
du fonctionnement de l’esprit.
Quant au physicien Laurent Nottale, il a pu confirmer
la validité des particules d’espace de Kalachakra,
reprenant une intuition du Dalaï-lama qui les associe au nouveau
paradigme de la physique. J’aurais aimé développer
cette partie passionnante, mais elle n’avait pas sa place
dans un livre grand public. Nous avons toutefois rendu accessible
une telle approche, qui situe le mandala de Kalachakra dans l’esprit
du dialogue instauré par le Dalaï-lama avec les sciences.
BA: Vous insistez aussi sur
ce que nous enseigne Kalachakra à propos de l’avenir
du monde ?
SSR: Oui, et sans tenter d’expliquer
les prophéties liées au royaume de Shambhala qui mériteraient
un développement plus approfondi, je voudrais situer ce livre
dans l’actualité douloureuse du Tibet. Les enseignements
de Kalachakra sont la sagesse d’Eveil qui fonde l’engagement
politique du Dalaï-lama. Depuis les tribunes internationales,
Sa Sainteté nous appelle à une éthique de la
responsabilité universelle. Or l’enseignement de base
du mandala est l’interdépendance qui rassemble tous
les vivants dans une communauté de conscience. Le Dalaï-lama
a plusieurs fois déclaré publiquement qu’il
souhaitait donner l’initiation de Kalachakra place Tiananmen,
à Pékin, à ses « frères et sœur
chinois ». Il nous a demandé de prier avec lui pour
qu’un tel vœu se réalise. Ainsi la place de la
Paix céleste deviendrait-elle la place de la Paix dans le
monde car l’esprit du mandala est dédié à
l’accomplissement de la paix intérieure faisant advenir
la paix au dehors.
Sofia STRIL-REVER a traduit du sanskrit les textes-racines
de Kalachakra. Membre du Conseil de l’International Kalachakra
Network, elle guide un groupe de pratique de Kalachakra, au centre
Kalachakra de Paris.